Les origines du jardin aquatique dans la tradition orientale

Depuis plus de 1 500 ans, les Japonais ont démontré leur profonde compréhension du paysage naturel. De cette perception sensible de la beauté intime de la nature où l’eau occupe une position centrale, est né un art véritable. Cette tradition a sans cesse évolué et, de nos jours encore, elle influence de nombreux créateurs de jardins dans le monde entier.

Les textes anciens concernant l’art des jardins révèlent l’existence au Japon, vers l’an 550 de notre ère, les premiers « jardins à étang ». On aimait s’y promener en barque, tout en nourrissant les poissons et les oiseaux.

Cette tradition, originaire de Chine, fut renforcée par les nombreux échanges culturels et commerciaux qui rapprochèrent ces deux pays. En l’an 612, l’impératrice Suiko-Tennô transforma le jardin de son palais en faisant creuser un étang. Celui-ci était traversé par un pont de style chinois, en bois avec un parapet laqué rouge. À cette époque, le Japon s’ouvrit aussi au bouddhisme, dont les conceptions allaient influencer profondément l’art des jardins.

Le jardin paysage

Le respect instinctif des Japonais pour la nature, leur admiration pour le spectacle quotidien du paysage naturel (si particulier dans l’archipel japonais) donnèrent naissance à un style de jardin où prennent place collines, rochers et ruisseaux, aussi bien que les lacs et leurs îles.

Cette représentation à échelle réduite et en trois dimensions d’un paysage, réel ou imaginaire, offre au regard et à la contemplation une parcelle de nature universelle. Les matériaux sont empruntés à la nature et sont agencés suivant ses règles propres. L’eau en est l’élément principal. Le jardin s’organise le plus souvent autour d’un étang figurant un lac ou la mer, parsemé d’Îles, et alimenté par un ruisseau au cours sinueux et accidenté. Même dans un jardin paysager sec, l’eau joue ce rôle de premier plan, figurée par une étendue de sable évoquant un étang, ou par des pierres rangées côte à côte, dessinant le cours tumultueux d’une rivière.

Isolés ou bien encore disposés en groupes expressifs, les rochers jouent un rôle esthétique important. Leur position est minutieusement choisie de façon à créer une montagne abrupte, un pont ou encore les cascades d’un ruisseau. Utilisés pour consolider les berges d’un étang, ils évoquent une côte rocheuse sauvage, bordée par quelques Îlots. Le relief du terrain est modelé de manière à créer des collines artificielles recouvertes de gazon, parfois hérissées de roches leur donnant la silhouette de véritables montagnes.

Le symbolisme religieux

Introduit au Japon vers 550 par l’empereur Kimmei-Tennô, le bouddhisme renforça davantage encore le concept du jardin paysage en apportant sa représentation du paradis, qui n’était autre qu’une île au centre d’un étang : « Bouddha trônait sur une terrasse au-dessus d’un étang aux lotus ».

Cette évocation du jardin paradisiaque ne pouvait que favoriser l’épanouissement de ce type de jardins, qui devint peu à peu un lieu d’accomplissement des rites religieux. Elle influença fortement l’évolution du jardin japonais dont la disposition devenait la manifestation sur terre du Pays pur de l’Ouest, comme en témoigne cette description : « la montagne la plus haute du monde se dresse au-dessus des sphères de la terre, de l’eau et du vent. Sur les versants de la montagne habitent les quatre rois du ciel, et à son pied on voit neuf montagnes et, entre elles, huit mers avec à leur extrémité des îles ».

Ainsi, la vision bouddhiste d’un jardin paradisiaque et aquatique venait-elle enrichir, par son symbolisme et par sa mythologie, l’art de la composition du jardin japonais.

Dès ses origines, l’art du jardin japonais montrait un sens du naturel et de l’harmonie universelle qui annonçait nos aspirations contemporaines. Plus que par l’imitation formelle ou la recherche de l’exactitude historique, c’est à travers notre propre sensibilité, à l’écoute attentive de la nature, que nous percevons le mieux ce que doit être un jardin japonais authentique…

Jean-Claude Arnoux

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