Trois formes de jardin-paysage japonais

Le jardin à étang est un jardin d’agrément (kaiyùshiki teien). Souvent de taille importante, il s’organise autour d’un vaste plan d’eau. On le parcourt à pied et en barque, à la découverte au détour de chaque relief, d’une scène particulière : cascades, îles… Traditionnellement, l’étang est peuplé de carpes Koï. Faciles à apprivoiser, les carpes japonaises offrent une grande variété de couleurs et de « patrons », pour le plus grand ravissement des yeux.

Le jardin de contemplation est le plus souvent d’un jardin paysager sec (karesansui). Parfaitement composé, il est conçu pour être regardé depuis la demeure (ou le temple) à la manière d’une oeuvre d’art. Il éveille en nous une réflexion esthétique ou spirituelle. C’est un jardin aux dimensions parfois modestes, sur lequel on ne circule pas.

Servant de cadre à la cérémonie du thé, le jardin de thé (roii) est généralement de taille modeste. C’est un lieu intimiste, parfois entouré de hauts murs ou de haies pour s’isoler du monde extérieur. Sa végétation est assez semblable à celle d’un sous-bois naturel. Il emprunte des éléments aux deux formes précédentes, et comporte presque toujours une source ou un ruisseau. On y installe une lanterne et un bassin pour purifier les mains (tsukubai) comme c’est la tradition lorsqu’on pénètre dans le pavillon du thé.

On trouve dans un jardin japonais une très grande variété d’arbres et d’arbustes choisis pour l’esthétique de leurs feuillages. Dans les petits jardins, on aura une préférence pour les arbres à petit développement tels les flamboyants érables du Japon (Acer palmatum) intéressants pour leur port, la finesse de leurs feuilles et surtout par leurs couleurs automnales et printanières.

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Le claquement sec et sonore du shishi odoshi (ou « épouvantail pour cerf ») retentit à intervalles réguliers, comme pour marquer le temps qui passe, tandis que l’eau de la source, symbolisant le cours de la vie, se déverse sur un lit de galets.

Quelques arbustes dont la floraison est particulièrement abondante (Azalea japonica, Camellia japonica, Hydrangea macrophylla) apportent la fantaisie de leurs couleurs. D’autres sont intéressants par leur feuillage composé (Fatsia japonica, Mahonia japonica) ou coloré (Pieris japonica), ou encore pour leurs baies aux couleurs vives (Ilex pedunculosa). Certains sont choisis pour leur feuillage persistant que l’on peut tailler facilement (Buxus microphylla).

Au bord des étangs prospèrent les plantes de marais telles les prêles géantes (Equisetum hyemale), les iris d’eau (Iris kaempferi) des fougères appréciant l’ombre (Matteucia struthiopteris) et des fleurs de terre humide (Hemerocallis, Astilbe spp., Hosta fortunei, Hosta undulata).

Les graminées à fort développement sont très présentes en raison de leur aspect graphique et structuré (Miscanthus japonicus, Miscanthus sinensis). On trouve bien sûr les espèces de bambous les plus décoratives parmi lesquelles Phyllostachys aureosulcata, Phyllostachys nigra, Phyllostachys nuda, Sasa palmata, Sasa veitchii, Pseudosasa japonica, Arundinaria flexuosa.

Enfin, de nombreuses variétés de mousses servent habituellement de couvre-sol.

(Photo d’ouverture). Ce jardin de thé est construit autour d’une petite pièce d’eau. Les roches qui forment le contour du bassin donnent une impression de paysage panoramique, dont les proportions peuvent varier à l’infini au gré de notre imagination. Le ruisseau évoque la force vive d’un torrent de montagne. Le débit et la hauteur de chacune des cascades sont dosés de manière à obtenir l’aspect et la sonorité voulus. Sculptée dans le granit, la lanterne de style Tachi-Gata joue le rôle d’éclairage symbolique pour les allées.

L’eau donne vie aux petits espaces

Même si vous ne disposez que de très peu de place, pensez à utiliser l’eau sous une forme ou une autre, car sa seule présence donne au jardin une autre dimension. Une scène aquatique captive l’attention et donne à notre esprit de multiples prétextes à l’évasion. C’est un moyen simple et efficace pour transformer agréablement l’ambiance d’une cour intérieure, d’un patio ou d’un petit jardin.

Abreuvoirs et bains pour oiseaux
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Les pentes douces de cette pierre joliment sculptée la rendent plus accessible aux plus oiseaux de petite taille.

Une autre manière d’apporter de la vie et de la gaieté au jardin est d’aménager un point d’eau destiné aux oiseaux. À tout moment de l’année, les oiseaux apprécient d’avoir un lieu accessible pour s’abreuver et nettoyer leur plumage.

Vous ferez donc œuvre utile en installant un mini bassin dans un endroit calme du jardin, de préférence un peu surélevé. Veillez à ce que les abords soient suffisamment dégagés pour éviter que d’éventuels prédateurs (notamment les chats) ne s’attaquent à eux.

Les parois intérieures des abreuvoirs pour oiseaux sont en pente assez douce, pour permettre aux plus petits d’entre eux de se baigner sans risquer la noyade. Quelques centimètres d’eau suffisent, mais pour rester propre, l’eau devra être renouvelée régulièrement.

Choisissez le matériau en fonction de l’environnement où  vous souhaitez l’intégrer. Dans une rocaille ou un jardin japonais, une simple pierre creuse ou du granit sculpté s’intégreront naturellement parmi les roches en place. Mais il existe aussi des modèles de facture plus artificielle ou fantaisiste, fabriqués en pierre reconstituée, en verre ou en polyester moulé, qui seront un parfait élément de décor sur une terrasse ou dans une cour intérieure.

Vasques et bassins miniatures

On trouve sur le marché un large choix de vasques et mini-bassins en pierre reconstituée, en PVC ou en résines de synthèse. Leur légèreté, leur robustesse et leurs formes régulières en font d’excellents bassins pour décorer les petits jardins, les terrasses et les balcons. On peut également utiliser d’autres sortes de contenants que l’on détournerez de leur usage habituel, comme par exemple un tonneau de bois ou une buse en béton armé. Une profondeur d’eau de 20 à 40 cm, avec 8 à 15 cm de terre au fond, suffit à installer trois à cinq plantes à petit développement, ce qui est largement assez pour réaliser une jolie composition.

a600_mini_01Il est toujours préférable d’orienter ces petits bassins à l’est ou à l’ouest plutôt qu’au sud de façon à éviter un réchauffement excessif de l’eau. Contrairement aux bains et abreuvoirs pour oiseaux, que l’on placera de préférence dans un endroit calme et un peu à l’écart de l’habitation, un jardin d’eau miniature est fait pour être vu et admiré de tous. On peut le placer bien en évidence, de façon à agrémenter une allée, la terrasse ou une cour intérieure.

Plantes adaptées à un très petit bassin :

Acorus calamus, Aponogeton distachyus, Azolla spp., Menyanthes trifoliata, Nymphaea ‘Aurora’, Nymphaea ‘Graziella’ Butomus umbellatus, Calla palustris, Ceratophyllum demersum, Drosera spp., Equisetum spp., Nymphaea ‘Paul Hariot’, Nymphaea pygmaea ‘Alba’, Nymphaea pygmaea ‘Heiveola’, Nymphaea pygmaea ‘Rubra’, Nymphaea ‘Somptuosa’, Hippuris vulgaris, Pistia stratiotes, Hottonia palustris, Hydrocharis morsus-ranae, Hydrocleis nymphoides. Lemna spp. Pontederia cordata Salvinia spp. Thalia dealbata, Trapa natans, Utricularia vulgaris, Juncus spiralis.

L’eau maîtrisée, de l’humanisme au classicisme

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La mythologie et l’histoire antiques servaient à accentuer le caractère théâtral des jardins classiques. Des sculptures représentant des divinités de l’Olympe étaient placées au centre de chacun des murs de clôture, dans des niches peintes et décorées, appelées « cappelettes ».

Dès le XVe siècle, les humanistes italiens redécouvraient les poètes et les philosophes antiques et leur vision d’un ordre universel, où seuls la raison et le savoir permettent d’atteindre la beauté et la perfection. Le jardin classique, paysage idéalisé habité par les dieux légendaires de l’Olympe, se voulait un lieu parfait pour cultiver les arts et la pensée. Les architectes les plus talentueux de la Renaissance ressentaient intuitivement que l’utilisation formelle et magistrale de l’eau alliée à une organisation rationnelle des plantes et du sol, ne pouvait que renforcer le sentiment d’une maîtrise absolue de la nature et des éléments.

A l’époque classique, les fontaines et les jeux d’eau des jardins italiens, dont la tradition remonte à la Rome impériale, à l’Islam et à l’Empire byzantin, étaient l’élément dominant et le centre autour duquel s’organisait l’ensemble du jardin. L’usage exubérant de l’eau, sous toutes ses formes, requérait une réelle créativité et la mise en place d’un système hydraulique complexe. Mais ce déploiement de techniques permettait d’obtenir toute une gamme d’effets, propre à animer des jardins dont les formes géométriques offraient assez peu de diversité. Les jets d’eau, les cascades, les ruisseaux, ou encore la savante mise en scène des reflets sur la surface étale des bassins sont autant d’éléments primordiaux dont nous avons hérité de la Renaissance italienne.

Créé entre 1905 et 1912, sur la presqu’île de Cap-Ferrat, le jardin à la française de la villa Ephrussi de Rothschild illustre bien le concept de l’axe central dominant, qui caractérise les jardins de la Renaissance romaine. Cette conception du jardin a fortement influencé les jardiniers français, et persista en Angleterre comme dans le reste de l’Europe jusqu’à la fin du XVIIe. L’axe aquatique prend son départ au sommet de la colline, dans une réplique du Temple de l’Amour, au Petit Trianon de Versailles. Puis l’eau s’écoule en formant une cascade à degrés le long d’un escalier de pierre, avant de finir sa course dans un long bassin où se reflète le « Palazzino ».

Plantes convenant à la réalisation d’un jardin d’inspiration classique : Anthemis, Antirrhinum, Begonia, Buxus, Carpinus betulus, Crataegus, Dahlia, Euonymus, Fuchsia, Hibiscus syriacus, Hyacinthus, Ligustrum, Lillum, Magnolia, Nymphaea, Pelargonium, Rosa, Salvia, Schizanthus, Taxus.

Rendre un jardin de banlieue extraordinaire

Depuis la fin du XIXe siècle, l’intense développement des zones d’urbanisation tend à détruire la relation qui unissait autrefois les hommes à la nature. Nous éprouvons tous de plus en plus la nécessité d’une réflexion sur l’écologie et la préservation de notre environnement, ce qui explique sans doute l’intérêt croissant que suscitent les jardins de style naturaliste, où l’eau tient toujours une grande place.

La vie stressante des citées modernes, polluées et surpeuplées, a fini par engendrer un désir nouveau d’union avec cette nature originelle, tant combattue autrefois, mais de laquelle dépend toute notre existence. Le concept de jardin naturalliste, à l’avant-garde du mouvement de préservation de l’environnement, favorise l’apparition d’un nouveau style de jardin libre et informel, représentation d’une nature idéalisée. Ce style s’adapte à des proportions même modestes et s’organise le plus souvent autour d’une pièce d’eau naturelle. Ce cadre correspond à l’image que l’homme voudrait désormais projeter de lui-même, affirmant ainsi sa volonté de participer positivement à la création. Dans ce lieu de repos, à l’abri des dévastations du monde moderne, chacun peut entrer en contact avec une nature à l’échelle humaine, dont la beauté et les lois immuables sont une constante source d’inspiration et d’enrichissement.

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Ici, l’assemblage de plusieurs bassins aux formes simples permet de créer un ensemble plein de fantaisie dans un très petit espace.

Les jardins libres et vaguement irréguliers des nouvelles cités de banlieue contrastent avec l’uniformité el la rigidité formelle des plans du passé. La disparition des murs de jardins et des haies, en décloisonnant l’espace privé exprime sans doute un désir de plus de convivialité entre les habitants d’un même quartier, et peut-être une volonté de fusion avec le paysage alentour. (Création Guy Lainé)

Le choix des végétaux et des matériaux, les textures et les couleurs, les reflets de la lumière et la sonorité de l’eau sont le vocabulaire de l’architecte paysagiste.

Le paysagiste contemporain met en scène une nature spontanée, sans démonstrations artificielles, à travers des jardins informels et empreints de rêverie.Poétiques et accessibles, les jardins de Guy Lainé (photo d’ouverture) sont une représentation de l’état idéal de la nature, lieu de repos et de sérénité plaisante. L’absence de proportions et de symétrie suggère que les formes irrégulières, sans aucune organisation ou disposition qu’on puisse aisément reconnaître, peuvent être encore plus belles et plus harmonieuses qu’une composition rigoureuse et artificielle.

Fontaines et jeux d’eau, l’éveil des sens

Dans ce jardin provençal dessiné par Jean Mus, la fontaine est le point fort de la composition. Légèrement décentrée, elle crée une sorte de contrepoint à la symétrie du jardin situé à l’arrière-plan.

Le jaillissement scintillant et rythmé de l’eau des fontaines et des jets d’eau apporte fraîcheur, mouvement et sonorités au jardin.

C’est un moyen simple et agréable d’animer un lieu, au bord d’une allée ou à proximité d’une terrasse, en créant des scènes toujours captivantes pour les visiteurs. C’est encore plus vrai quand le lieu est de petites dimensions.

Lorsque le jet d’eau ou la fontaine est une œuvre d’art, celle-ci devient le centre d’intérêt du jardin, ce dernier étant alors construit autour de ce point fort de manière à le mettre en valeur.

Jets d’eau et jeux d’eau

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Les sculptures sont bien souvent associées aux jeux d’eau. Elles apportent une dimension supplémentaire au jardin. Ici, une création de la sculpteure Edith Brinkman.

Il existe une grande variété d’ajutages permettant d’obtenir les formes de jets d’eau les plus variés. Le débit, la forme et l’emplacement du jet d’eau se choisit en fonction des dimensions et du style du jardin. Il est important que la hauteur du jet soit convenablement proportionnée par rapport à la taille du bassin. On la règle en modulant le débit de la pompe. Pour éviter que l’eau ne soit projetée à l’extérieur de la pièce d’eau sous l’effet du vent (ce qui occasionnerait des pertes d’eau importantes), la hauteur du jet d’eau ne devrait pas dépasser 70% du diamètre du bassin.

Le mouvement continu de l’eau contribue également à la vie biologique du bassin en améliorant son taux d’oxygénation et en limitant le développement des algues. En revanche, certaines plantes à feuilles flottantes, comme les nénuphars, peuvent être perturbés par la proximité immédiate d’un jet provoquant courant et éclaboussures.

Qu’elle soit de style figuratif ou abstrait, une fontaine se met en valeur un peu comme une œuvre d’art. Son environnement doit être régulièrement entretenu, de manière à rester plaisant toute l’année, quel que soit l’angle sous lequel on la regarde. Certaines fontaines gagnent à être entourées d’arbustes, de plantes basses et tapissantes.

Transformer une cour d’immeuble en paradis aquatique

Il n’est pas vraiment facile de transformer une austère cour d’immeuble, espace clos cerné par de hautes façades de béton et de verre, en un lieu poétique et agréable.

C’est pourtant le pari réussi par le paysagiste Camille Muller dans ce quartier d’affaires situé en plein centre de Paris.

Au pied des quatre façades, hautes de 8 étages, et où le soleil ne pénètre que quelques heures par jour en été, Camille Muller a créé un véritable paradis aquatique, espace accueillant et apaisant pour les employés de cette banque dont les bureaux sont orientés côté cour. Le dépaysement est total grâce aux bambous géants qui masquent en partie les façades tandis que le bruissement des jets d’eau couvre la rumeur de la ville.

C’est un jardin secret, totalement invisible depuis le boulevard, à l’extérieur.

En traversant le hall d’entrée de l’immeuble, l’effet est saisissant lorsqu’on aperçoit derrière la grande baie vitrée, les silhouettes érigées des bambous géants et les larges feuilles des Paulownias.

L’entrée du jardin se situe un peu en contrebas du bassin qui est surélevé. D’emblée, notre regard est placé au niveau de la surface du plan d’eau. Encadrée par de très belles touffes d’Iris pseudacorus, la perspective s’ouvre naturellement vers le centre du bassin, où, à la manière des jardins orientaux, l’eau jaillit de trois pierres symbolisant la Beauté, la Force et la Sagesse.

C’est en gravissant quelques marches qu’on accède à la berge en caillebotis. On découvre alors une scène de nature sauvage. Le feuillage persistant des bambous géants (Phyllostachys spp.) masque en partie les façades jusqu’à hauteur du quatrième étage, et contribue à faire oublier l’aspect confiné et encaissé de la cour.

Sur l’épaisse dalle de béton qui forme le soubassement, est construit un bassin de 200 m2 et profond de 80 cm, bordé par de grandes jardinières.

Les bords du bassin sont parfaitement dissimulés par le caillebotis. Les planches de bois évoquent un embarcadère ou le pont d’un bateau, ce qui accentue encore plus notre impression de dépaysement. L’aspect chaleureux du bois, l’abondance des feuillages des iris d’eau, l’éxubérance des bambous et l’originalité des énormes feuilles des Paulownias suffisent à installer une ambiance très exotique.

De la salle de restaurant d’entreprise, située au rez-de-chaussée, les convives bénéficient d’un point de vue privilégié sur le jardin, leur regard étant alors situé à hauteur de la surface du plan d’eau.

Les végétaux, limités à un petit nombre d’espèces, ont été choisis pour la singularité et la complémentarité de leurs feuillages très « graphiques ». En plusieurs endroits, les feuilles larges et cordiformes du Paulownia imperialis contrastent agréablement avec le feuillage fin des peupliers de Hollande (Populus alba) et l’élégante frondaison des bambous géants (Phyllostachys aureosuicata, Phyllostachys Nora, Phyllostachys murielae et Phyllostachys nigra ‘Boryana’).

Le jardin a également été conçu pour être admiré d’en haut, depuis les fenêtres des bureaux. De la structure en bois se dégagent des lignes fortes, contrastant avec les formes légères et exubérantes de la végétation. Les énormes feuilles des paulownias (Paulownia imperialis) se distinguent aisément, même du huitième étage. Cette cour fermée, à l’abri du vent et des fortes gelées, convient à leur feuillage fragile. Les paulownias résistent par ailleurs fort bien à la pollution des villes. Leur floraison violette en mai, juste avant l’apparition des feuilles, est suivie de celle des iris en juin, apportant quelques variables colorées à ce jardin vert toute l’année.

Un jardin d’inspiration mauresque

L’origine des jardins mauresques semble remonter à l’Empire perse où les fontaines, les canaux et la luxuriante verdure des jardins de Cyrus le Grand évoquaient déjà le jardin paradisiaque décrit par le Prophète. Cette tradition s’étendit durant le Moyen Âge à l’ensemble des territoires conquis par les Arabes en Afrique du Nord, dans l’Inde des Moghols et au sud de l’Espagne. Peuples nomades confrontés à l’aridité du désert, les Arabes trouvaient un réconfort et un espoir dans la promesse d’un jardin paradisiaque situé dans l’au-delà. Cette conception orientale du paradis, tel que le décrivent les textes sacrés, ne pouvait qu’influencer l’art des jardins d’agrément : elle imposa une esthétique traduisant la quête de pureté et de perfection, qui s’exprime le mieux sous forme de symboles abstraits et de motifs géométriques.

Une construction géométrique

Introduit en Afrique du Nord et en Andalousie à la fin du IXe siècle, le jardin musulman enclos dans les cours des maisons définit un univers privé, où chacun peut jouir des plaisirs voluptueux qui sont promis dans une vie éternelle. Les hauts murs qui l’entourent préservent l’intimité indispensable à tout lieu destiné au plaisir des sens et de l’esprit. Ils créent le silence où s’entend la musique de l’eau. Le jardin en patio, rigoureusement géométrique, est divisé en quatre carrés représentant les quatre parties de l’univers, séparées par les quatre rivières de la vie. À leur intersection, au centre du jardin, se trouve une fontaine ornementale. La sensualité des jeux d’eau, la luxuriante variété des plantes et des fleurs sont le fruit d’une technique d’irrigation accomplie. Elles démontrent les connaissances et le savoir-faire des jardiniers orientaux du XIIe au XlXe siècle qui étaient en avance sur leurs homologues européens, comme en témoignent les jardins de l’Alhambra de Grenade conçus dès le milieu du Xe siècle.

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Les hauts murs qui entourent le patio méditerranéen définissent un espace clos, dont l’intimité est préservée de l’agitation de la rue et du monde extérieur. Les bassins et des fontaines ajoutent une note sensuelle aux jardins méditerranéens. La présence constante de l’eau traduit peut-être la peur ancestrale des peuples du désert de manquer d’eau.

La croyance en un ordre cosmique divin, propre à dominer notre monde agité et confus, encouragea les artistes orientaux à exprimer leur foi par des symboles et des motifs géométriques les plus variés, qu’ils appliquaient aux jardins, aux tapis ou à la céramique. Le carré représente ainsi l’ordre terrestre, le cercle évoque la perfection divine, et l’octogone symbolise notre lutte sur terre en attente de notre union avec les sphères divines…

Plantes convenant à un jardin de style mauresque

Laurus, Lilium, Myrtus, Nelumbo nucifera, Philodendron, Phoenix, Punica granatum, Rosa spp., Strelitzia, Thalia dealbata, Zantedeschia aethiopica, Canna indica, Chamaerops humilis, Citrus limon, Citrus microcarpa, Cyperus papyrus, Datura stramonium, Fatsia, Gardenia lasminum spp., Kaki, Kniphofia.

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Motifs traditionnels de la faïence hispano-mauresque

Les jardins lapidaires de la Chine ancienne

Très tôt dans leur Histoire plusieurs fois millénaire, les Chinois tentèrent de comprendre et d’imiter l’harmonie des lois fondamentales de l’univers. La recherche d’une intimité étroite avec les éléments qui constituent la Terre, en particulier la roche et l’eau, est l’une des voies pour y parvenir.

L’univers dans un espace clos

En chinois, « paysage » se dit « shan shui », ce qui signifie « montagne et eau ». Le jardin chinois est essentiellement une représentation du paysage : il tente de recréer dans un espace clos toute la beauté de l’univers, sa richesse et l’extraordinaire variété de ses formes.

Les jardiniers chinois déployaient la plus grande imagination pour imiter les montagnes, les lacs et les cours d’eau en disposant autour de grandes pièces d’eau des rochers soigneusement choisis. Ce fut certainement le premier exemple d’un paysage artificiel conçu pour être un microcosme, évocation de l’univers connu.

En s’appropriant, sans les transformer, les montagnes, les lacs et les chutes d’eau du paysage, les Chinois anciens voulaient sans doute affirmer que leur place était au centre de l’univers.

Un jardin lapidaire

Pour les adeptes de la philosophie taoïste, la roche est le squelette de la terre, les fleuves sont ses artères, l’eau son sang. Les rochers symbolisent également l’habitat enchanté des immortels de la mythologie chinoise.

L’eau, flux de vie et élément central de la composition, évoque la paix et inspire la méditation. Sa surface plane est le miroir du ciel. Et le ciel est la moitié de l’univers.

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Les chemins sont la troisième composante importante du jardin chinois : éléments décoratifs à part entière, ils sont le plus souvent couverts de mosaïque ou réalisés à l’aide de galets formant des images en relief.

La juxtaposition des montagnes et de l’eau est aussi perçue comme une des manifestations du yin et du yang.

Les roches monochromes, lourdes, aux formes torturées, ont acquis avec le temps la même valeur décorative que les sculptures dans un jardin occidental. Cette révérence profonde et ancienne pour les pierres et l’eau fut, et reste encore, un des thèmes majeurs de l’art des jardins chinois.

Plantes convenant à un jardin de style chinois

Bien que le continent asiatique possède un choix d’espèces botaniques des plus riches et des plus variés au monde, les Chinois étaient, et demeurent, assez indifférents à la culture des fleurs. Le choix des quelques plantes entrant dans la composition du jardin est plus souvent guidé par l’intérêt pour leur parfum, ainsi que par le pouvoir symbolique qu’on leur prête parfois.

Parmi les plantes les plus employées, on trouve : bambous, camélias, cerisier du Japon, chrysanthèmes, clématites géantes, hibiscus, iris, lilas, lis, lotus, orchidées, osmanthus, pins, pivoines arborescentes, primevères, pruniers, rhododendrons, rosiers, saules, Pinus densiflora.

Créez votre étang sauvage pour préserver de la biodiversité

La présence d’un étang naturel dans un jardin est un moyen efficace pour recréer un biotope naturel qui servira de refuge à une faune variée dont l’habitat est parfois menacé. Ce style de jardin un peu sauvage demande peu d’entretien, car les plantations peuvent s’y développer plus librement.

Pour paraître plus naturelle, la forme du bassin aura un tracé sinueux, dont les lignes souples épouseront le modelé du terrain.

Sur les rives, une abondante végétation accentuera l’aspect sauvage de la pièce d’eau et servira de refuge à de nombreuses espèces d’animaux : oiseaux nageurs (sarcelles, canards, col-vert), batraciens, tortues d’eau.

Pour préserver l’intimité du lieu, les abords seront plantés d’arbres de zone humide (aulnes glutineux, saules, cyprès chauves) ou, si la place manque, par des graminées géantes comme les miscanthus du Japon (Miscanthus japonicus), des cannes de Provence (Arundo donax) et des bambous. Prévoyez un ponton en bois, ou quelques larges rochers plats, pour votre détente et vous permettre d’observation de la faune de plus près.

Une imitation stylisée

Même si votre souhait le plus sincère est de célébrer la beauté de la nature à l’état sauvage, rien ne vous empêche d’associer les végétaux en jouant de leurs couleurs et de leurs formes. Il n’est pas nécessaire de limiter votre choix exclusivement aux plantes indigènes et de les laisser simplement pousser. Par exemple, les joncs et les carex locaux peuvent être associés à des variétés horticoles ou exotiques plus décoratives ce qui renforcera l’aspect sauvage de la pièce d’eau.

Veillez toutefois à ne pas accumuler un grand nombre d’espèces que vous disperseriez en tout point du jardin. Faites plutôt le choix de quelques plantes, que vous grouperez en colonies importantes en plusieurs endroits autour de la pièce d’eau. L’effet monumental produit par ces deux ou trois espèces dominantes sera complété par la présence d’autres plantes employées par petites touches, çà et là.

L’eau dans un jardin exerce un attrait sur l’ensemble de la faune. Les touffes de graminées (Glyceria aquatica, Phalaris arundinacea, Phragmites communis) sont le refuge recherché par de nombreuses espèces d’oiseaux nageurs, qui aiment y construire leur nid. Ici, un petit ponton de bois a été aménagé pour permettre la distribution de nourriture aux tortues aquatiques qui peuplent le bassin.

Plantes convenant à un jardin sauvage

Une pièce d’eau d’aspect sauvage et informel n’exclut pas l’utilisation de variétés horticoles ou étrangères, ni leur disposition d’après des règles purement esthétiques.

Accrus calamus Lysima chia thyrsiflora, Alchemilla mollis Lythrum salicaria ténus glutinosa Matteucia struthiopteris, ténus incana ‘Aurea’ Miscanthus iaponicus, Arundo phragmites, Miscanthus sinensis, Butomus umbellatus, Osmunda regalis, Caltha palustris, Phalaris aquatica, Carex spp. Pontederia spp., Glyceria aquatica, Salix exigua, Hippuris vulgaris Scirpus spp. Hosta, Taxodium distichum, Iris pseudacorus Typha, Juncus spp. Zizania aquatica

Un bassin naturel dans un jardin de rocaille

L’association de l’eau avec la roche naturelle permet de réussir de belles compositions au caractère affirmé car la texture de la pierre est mise en valeur par les effets de miroir et de transparence. Le mouvement et la sonorité des cascades, la fluidité et le scintillement de l’eau forment un intéressant contraste avec la masse compacte et inerte des rochers.

Pour se prêter à la création d’une rocaille, le relief du terrain doit être de préférence en pente ou bien très accidenté, en laissant apparaître ici ou là des enrochements qui affleurent ou émergent du sol, comme s’ils avaient été progressivement découverts par l’érosion. Garnissez les espaces libres à l’aide de plantes tapissantes (sagine, helxine) et de petites graminées (fétuques glauques, élymus), capables de prospérer dans les poches de culture aménagées entre les rochers, en groupant à chaque fois plusieurs sujets d’une même espèce.

Si votre terrain est plat, l’effet d’une rocaille pourrait paraître très artificiel. Il est préférable dans ce cas de déplacer certaines masses de terre pour créer quelques dépressions et protubérances, tout en conservant à l’ensemble une certaine souplesse dans le tracé. Les enrochements seront constitués de blocs ou groupes de roches assez importants, de même nature, mais de tailles diverses. Ancrez-les profondément dans le sol, de façon à éviter tout basculement accidentel. Évitez absolument le mélange de matériaux de diverses origines, de même que l’accumulation d’une multitude de petites pierres.

Dans un jardin de rocaille, un ordre naturel doit être recherché avant tout. Quelle que soit le type de bassin (béton, résine ou membrane), on l’intégrera au mieux dans son environnement en dissimule avec soin les bordures sous des rochers, des grosses pierres ou la végétation. Le but recherché est de donner l’illusion que la pièce d’eau est une dépression naturelle formée dans la roche. L’utilisation du béton et de la résine pour la construction du bassin donne de bons résultats car cela permet d’intégrer des rochers dans les parois du bassin sans compromettre l’étanchéité.

a460_rocaille_01Si vous n’avez pas de rochers sur votre terrain, une possibilité est d’en faire livrer chez vous par une entreprise de carrière. Après la livraison, la location d’une mini-pelle pourra s’avérer grandement utile pour en effectuer l’installation et l’agencement.

La mise en place d’enrochements naturels est une tâche lourde, non dénuée de risques. Il est plus aisé d’en confier l’éxécution à un professionnel avec lequel vous aurez la possibilité de choisir les éléments que vous souhaitez intégrer dans votre jardin.

Une autre solution moins onéreuse et  moins lourde à mettre en œuvre consiste à fabriquer soi-même de faux rochers en béton armé. Mais cette option nécessite un vrai talent de plasticien pour que le résultat soit convaincant. Autant que possible, inspirez-vous d’exemples réels, au moyen de photos ou de croquis effectués d’après nature.

Dans une rocaille, la pente du terrain et la présence des rochers se prêtent bien à la création d’un ruisseau alimentant un ou plusieurs bassins reliés par des cascades.
Les différents blocs de roche qui servent à constituer les cascades doivent être scellés au mortier pour assurer l’étanchéité et une meilleure stabilité de l’ensemble.