Transformer une cour d’immeuble en paradis aquatique

Il n’est pas vraiment facile de transformer une austère cour d’immeuble, espace clos cerné par de hautes façades de béton et de verre, en un lieu poétique et agréable.

C’est pourtant le pari réussi par le paysagiste Camille Muller dans ce quartier d’affaires situé en plein centre de Paris.

Au pied des quatre façades, hautes de 8 étages, et où le soleil ne pénètre que quelques heures par jour en été, Camille Muller a créé un véritable paradis aquatique, espace accueillant et apaisant pour les employés de cette banque dont les bureaux sont orientés côté cour. Le dépaysement est total grâce aux bambous géants qui masquent en partie les façades tandis que le bruissement des jets d’eau couvre la rumeur de la ville.

C’est un jardin secret, totalement invisible depuis le boulevard, à l’extérieur.

En traversant le hall d’entrée de l’immeuble, l’effet est saisissant lorsqu’on aperçoit derrière la grande baie vitrée, les silhouettes érigées des bambous géants et les larges feuilles des Paulownias.

L’entrée du jardin se situe un peu en contrebas du bassin qui est surélevé. D’emblée, notre regard est placé au niveau de la surface du plan d’eau. Encadrée par de très belles touffes d’Iris pseudacorus, la perspective s’ouvre naturellement vers le centre du bassin, où, à la manière des jardins orientaux, l’eau jaillit de trois pierres symbolisant la Beauté, la Force et la Sagesse.

C’est en gravissant quelques marches qu’on accède à la berge en caillebotis. On découvre alors une scène de nature sauvage. Le feuillage persistant des bambous géants (Phyllostachys spp.) masque en partie les façades jusqu’à hauteur du quatrième étage, et contribue à faire oublier l’aspect confiné et encaissé de la cour.

Sur l’épaisse dalle de béton qui forme le soubassement, est construit un bassin de 200 m2 et profond de 80 cm, bordé par de grandes jardinières.

Les bords du bassin sont parfaitement dissimulés par le caillebotis. Les planches de bois évoquent un embarcadère ou le pont d’un bateau, ce qui accentue encore plus notre impression de dépaysement. L’aspect chaleureux du bois, l’abondance des feuillages des iris d’eau, l’éxubérance des bambous et l’originalité des énormes feuilles des Paulownias suffisent à installer une ambiance très exotique.

De la salle de restaurant d’entreprise, située au rez-de-chaussée, les convives bénéficient d’un point de vue privilégié sur le jardin, leur regard étant alors situé à hauteur de la surface du plan d’eau.

Les végétaux, limités à un petit nombre d’espèces, ont été choisis pour la singularité et la complémentarité de leurs feuillages très « graphiques ». En plusieurs endroits, les feuilles larges et cordiformes du Paulownia imperialis contrastent agréablement avec le feuillage fin des peupliers de Hollande (Populus alba) et l’élégante frondaison des bambous géants (Phyllostachys aureosuicata, Phyllostachys Nora, Phyllostachys murielae et Phyllostachys nigra ‘Boryana’).

Le jardin a également été conçu pour être admiré d’en haut, depuis les fenêtres des bureaux. De la structure en bois se dégagent des lignes fortes, contrastant avec les formes légères et exubérantes de la végétation. Les énormes feuilles des paulownias (Paulownia imperialis) se distinguent aisément, même du huitième étage. Cette cour fermée, à l’abri du vent et des fortes gelées, convient à leur feuillage fragile. Les paulownias résistent par ailleurs fort bien à la pollution des villes. Leur floraison violette en mai, juste avant l’apparition des feuilles, est suivie de celle des iris en juin, apportant quelques variables colorées à ce jardin vert toute l’année.